Réunir plusieurs développeurs, designers, entrepreneurs ou data-scientists pendant un week-end pour les faire plancher sur un projet d’application ou de service en ligne ? C’est le principe du hackathon. Né à la fin des années 1990 au sein d’une communauté de développeurs américains, le concept séduit aujourd’hui les entreprises qui y voient un excellent moyen de sortir des schémas d’innovation classiques.
Elise Fraisse est responsable du pôle partenariat de Simplon.co, une « fabrique sociale de codeurs » qui propose des formations gratuites et intensives destinées aux demandeurs d’emploi et aux personnes en reconversion professionnelle. Elle organise régulièrement des hackathons mixant élèves de l’école, start-up et entreprises. Découverte.
Le Hackathon pour s’ouvrir à l’écosystème
Le hackathon, contraction de « hack » et de « marathon », est un mot valise, que l’on entend de plus en plus dans les couloirs des entreprises. Après Facebook, précurseur dans ce domaine, beaucoup de grands groupes français se sont essayés à l’exercice. Parmi eux, la SNCF, Orange, Axa, Danone ou encore la Société Générale.
Objectif ? Répondre à une problématique interne et sensibiliser les équipes à la transformation numérique, aux méthodologies agiles, au prototypage rapide ou au « crado test », un néologisme qui désigne le fait de prototyper des applications qui ne sont pas exhaustives du point de vue des fonctionnalités mais qui peuvent être incrémentées par la suite.
Pour Simplon.co, l’enjeu est avant tout de mettre ses apprentis développeurs en relation avec les entreprises pour que cela débouche, éventuellement, sur une embauche. L’intérêt pédagogique est également très important, puisque les élèves doivent faire preuve de créativité et être productifs dans un temps extrêmement réduit. C’est en effet la principale contrainte. Le hackathon se déroule en général sur deux jours et demi, une durée déjà longue pour cet exercice qui exige une concentration intense puisqu’il faut pouvoir sortir des concepts pertinents à l’issue du sprint.
Dans tous les cas, les « hackathoniens » sont encadrés par des coachs : co-fondateurs de l’école, directeurs techniques ou experts invités pour l’occasion interviennent pour encourager et faciliter l’effort de recherche et de développement.
La plupart du temps, l’évènement se déroule dans les locaux de l’école.
« Pour les entreprises, c’est important d’être hors les murs, pour apprendre à penser différemment, explique Elise Fraisse. C’est plus difficile d’opérer la conduite du changement depuis son bureau. »
Team building et initiation aux méthodes agiles
Pour les entreprises, le hackathon est aussi un moyen de pratiquer le team building en permettant à des équipes pluridisciplinaires de travailler ensemble sur des idées innovantes. C’est le cas par exemple chez Yves Rocher. L’industriel a organisé un hackathon pour réfléchir à l’amélioration de son application mobile. L’enjeu ? Briser les silos et faire se rencontrer les collaborateurs.
« Après le hackathon, le groupe a pu utiliser certaines des pistes qui avaient été proposées pendant ces deux jours et demi, raconte Elise Fraisse. Mais cela a surtout permis de créer une synergie au niveau de l’équipe. Par exemple, des collaborateurs qui se connaissaient peu ont pris l’habitude de déjeuner ensemble ! »
Les thématiques tournent assez logiquement autour de la transformation numérique et du digital. Il s’agit principalement d’aider à appréhender la production web différemment et d’apprendre à communiquer avec les développeurs. Mais cela dépend aussi des besoins du service concerné (métier, innovation, communication, IT…), précise Elise Fraisse :
« C’est très large puisque le hackathon, quand il est propulsé par une entreprise, répond à un problème qui mixe différentes métiers. Dans les équipes, on trouve souvent un développeur, un designer, quelqu’un du marketing. La pluridisciplinarité est une composante très importante. »
« On a par exemple travaillé avec la SNCF sur une problématique liée aux données réseaux et aux données météo disponibles en open data, poursuit-elle. Plusieurs projets ont été développés dont une application “paratonnerre” qui prédit les risques de foudre. » Ce hackathon a d’ailleurs été à l’origine d’une belle success story, puisqu’une start-up partenaire de la SNCF présente lors de l’évènement, a embauché un élève de Simplon.co appartenant à l’équipe gagnante.
L’école a également organisé un datathon avec Orange. Pendant 48h, développeurs, designers et data-scientists ont travaillé sur des solutions exploitant les données fournies par Orange via sa filière sénégalaise Sonatel. Le défi ? Concevoir des solutions pour améliorer le bien-être des populations locales. Organisé simultanément au MIT, à Boston, à Dakar et à Paris, il a permis à un outil de simulation de la propagation des maladies liées à la stagnation des eaux de remporter le prix du jury.
Autre exemple avec Bayard. Le groupe de presse et d’édition souhaitait insuffler un nouvel élan à plusieurs de ses titres. Pour cela, c’est un vrai partenariat qui a été mis en place entre Simplon.co et Bayard afin d’entamer un travail de fond destiné à faire évoluer les méthodes de travail des collaborateurs.
« Nous les accompagnons sur le long terme, explique Elise Fraisse. Nous avons travaillé en amont sur des ateliers de design thinking pour essayer de définir des produits numériques qui pourraient leur être utiles. »
Après une journée de sensibilisation au numérique et plusieurs workshops, un hackathon impliquant élèves de l’école et équipes métiers issues des rédactions de La Croix, Okapi et des Dossiers de l’actualité (issu de Phosphore et de La Croix) a été mis en place pour réfléchir à la création d’outils numériques.
La methode avant le resultat
Si Bayard va effectivement développer certains des projets présentés, l’enjeu était avant tout de familiariser ses collaborateurs à de nouvelles façons de travailler. Alors que la plupart n’avait jamais entendu parler du concept, tous ont adopté la « méthode hackathon ». Le magazine Phosphore a d’ailleurs reproduit le principe sur une journée, en accueillant Erwan Kezzar, cofondateur de Simplon.com et en réunissant les équipes de différents services. « Souvent, pour les entreprises, le hackathon est la petite graine qui permet de faire évoluer les méthodes de travail », commente Elise Fraisse.
C’est un peu différent chez Yves Rocher, où le hackathon avait pour objectif de développer une nouvelle version de l’application mobile.
« C’est vraiment conjoncturel chez les entreprises, précise Elise Fraisse. Certaines le font dans une véritable logique d’open innovation et d’acculturation des collaborateurs à ces méthodes de travail, d’autres pour répondre à un besoin de prototypage rapide. »
Alors, au final, qu’est-ce qui pousse les entreprises à organiser des hackathons ? Cela répond avant tout à une logique évènementielle, conclut Elise Fraisse :
« Organiser un hackathon permet de créer une rupture dans le temps : on arrête tout pour, pendant deux jours et demi, travailler en mode projet en mixant plusieurs équipes. L’idée, c’est aussi de sortir du bureau pour créer un électrochoc, favoriser la mise en contact et mettre en œuvre des modes de production différents. »
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Crédit photo : Sebastiaan ter Burg / Flickr.com / Licence CC BY 2.0