L’innovation vient parfois de là où on ne l’attend pas. A l’hôpital de Falaise, dans le Calvados, elle est née de la collaboration d’un étudiant en domotique avec le service technique de l’établissement et les personnels médicaux et paramédicaux. Ensemble, ils ont mis en place une chambre totalement connectée, dans laquelle une tablette tactile et des capteurs infrarouges permettent de contrôler l’appel soignant mais aussi la lumière, les volets ou la télévision. Le projet, une première en France, est aujourd’hui en cours de déploiement au centre hospitalier de Caen. Présentation avec Denis Doutressoulles, responsable du service technique du centre hospitalier de Falaise.
Denis Doutressoulles travaille au centre hospitalier de Falaise depuis plusieurs années. Dans cet établissement qui comprend un bâtiment de MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) ainsi que des lits destinés aux personnes âgées dépendantes (Ehpad), des soins de longue durée (SLD) et des soins de suite et de réadaptation (SSR), il est régulièrement sollicité par les différents services pour améliorer la sécurité, l’ergonomie et, plus globalement, le confort des patients et des résidents. Il nous explique comment, grâce au projet innovant de son stagiaire Renaud Even, l’établissement a pu expérimenter une chambre 100% domotisée.
Une tablette pour Aider les patients porteurs de handicaps a gagner en autonomie
Comment a été initié ce projet de chambre domotisée ?
Au centre hospitalier de Falaise, nous essayons d’être innovants et nous nous intéressons à tout ce qui peut faciliter le quotidien des patients. Parallèlement, nous avons toujours été un point d’accueil de jeunes en formation, dans tous les niveaux – du CAP à la licence – et dans tous les corps d’état : électronique, électrotechnique, biomédical… Il y a quelques années, nous avons été contactés par un technicien de l’IUT d’Alençon pour accueillir un stagiaire de leur formation licence domotique.
L’expérience s’étant bien passée, deux ans plus tard, nous avons accueilli un second stagiaire, Renaud Even, qui portait un sujet de stage assez innovant : la domotique au service du patient, de l’établissement à son domicile et souhaitait mettre en place un dispositif domotique dans les chambres.
Appeler les soignants en un clin d’oeil
Quelles sont les fonctionnalités permises par ce dispositif domotique ?
« Quand on est un patient avec des problématiques de handicaps physiques ou mentaux plus ou moins lourds, on a besoin d’un certain nombre de fonctionnalités pour conserver une autonomie. »
L’élément essentiel quand on est dans un lit d’hôpital, c’est la sécurité et le fait de pouvoir appeler un soignant grâce à l’appel malade. Certaines personnes ne sont pas en mesure d’appuyer sur la poire d’appel. Grâce à la domotique, nous avons pu connecter l’appel malade existant sur tablette de manière à pouvoir offrir la possibilité de le déclencher à partir d’une touche tactile, de la reconnaissance vocale ou même d’un clignement d’œil.
« Nous avons intégré le plus possible de personnes impliquées auprès des patients dans le projet de façon à mobiliser le plus de savoirs et de connaissance du terrain. »
Après avoir parlé avec les soignants et les équipes d’ergothérapeutes et d’hospitalisation à domicile, nous avons identifié plusieurs points : l’accès à la lumière, aux volets roulants ou encore le changement de la position du lit… Nous avons donc fait des adaptations sur le lit médicalisé, le volet roulant, l’éclairage, la télévision, le téléphone, pour qu’avec la tablette le patient puisse retrouver une grande autonomie.
Vers un déploiement à plus grande échelle
Vous êtes toujours en phase de test ?
De mars à juin 2015, nous sommes rentrés dans la phase active du projet : la recherche d’équipements permettant de répondre au cahier des charges fixé. Le Dr Besnard, praticien hospitalier et maitre de conférence au CHU de Caen, a naturellement proposé de mettre à disposition du matériel qu’il utilise dans le cadre de ses recherches concernant la domotique au service des patients en rééducation.
Une société locale, StarNav, nous a prêté la tablette numérique qui sert de commande et d’interface entre le patient et le matériel que l’on souhaite faire fonctionner et DomoSantéPlus, des petits équipements récepteurs ergonomiques et faciles à installer. Pour eux, ce sont des marchés qui peuvent s’ouvrir par la suite.
A l’heure actuelle, au Centre Hospitalier de Falaise, nous disposons d’une seule tablette mise à disposition par le CHU de Caen avec le concours du Dr Besnard. Si elle a déjà évolué par rapport à la version initiale, nous sommes toujours en phase d’expérimentation. Le projet va cependant être déployé sur le CHU de Caen sous la responsabilité du Dr Besnard : il a été reconnu au niveau européen, des fonds ont été débloqués pour l’achat d’une trentaine de tablettes. Ils n’incluent cependant pas les parties développement ou formation.
« Il faut que les établissements qui souhaitent déployer ce type de projets impliquent et forment du personnel à l’utilisation de ces équipements : les personnels soignants et paramédicaux doivent savoir installer les tablettes, les adapter à chaque patient, éventuellement les re-paramétrer ou s’adapter en cas de panne. Le patient ne peut pas se retrouver seul avec sa machine. »
Un kit de domotique pour 2 500 euros
Combien coûte l’équipement d’une chambre ?
Nous n’avons pas besoin d’une tablette hyper sophistiquée, c’est simplement un matériel basique sur lequel est installé un logiciel de domotique. Nous sommes encore sur des coûts estimatifs mais, globalement, tout compris, il faut compter 2 500 euros pour toutes les fonctionnalités. Un coût qui peut bien évidemment baisser avec les économies d’échelle.
A Falaise, nous avions le projet de rénover les chambres : nous avons donc fait en sorte de faire des chambres « domotisables ». L’objectif, c’était que n’importe quelle chambre d’hôpital puisse être domotisée. Ainsi, même si nous ne mettons pas en place le dispositif dès maintenant, nous avons la possibilité de le faire ultérieurement. Ce n’est pas plus cher, il faut juste penser à certains détails, comme mettre certains éléments à un endroit plutôt qu’à un autre. En fait, il n’y a que le kit de domotisation qui a un coût.
Quels conseils pourriez-vous donner à un établissement qui se lance dans ce type de projets ?
Dans la première partie du projet, il faut communiquer et montrer ce que cela peut apporter : une aide à l’ergonomie et au confort du patient.
« Il faut convaincre les soignants qui pensent d’abord aux patients avant de penser au matériel. »
Il y a d’abord une certaine réserve puis, quand les soignants voient les premiers résultats, c’est souvent une grande satisfaction : ils imaginent tout de suite comment ils pourraient l’utiliser dans le futur.
« Si des patients ou services en expriment le besoin, il ne faut pas hésiter à se lancer. La domotique, c’est efficace, passionnant et c’est un véritable service rendu aux patients et résidents. Le matériel existe et ce n’est pas très compliqué d’aller le chercher. »
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